Une histoire de vols planés et de tartes aux murs.

Vol plané de dix jours. Puis spectaculaire collision avec le crépit. C’est toujours dix jours de mieux que la dernière fois, où mon amie la PGD avait frappé de plein fouet 24 minables heures après le concert.

PGD ? Vous savez tous ce que c’est, vous en subissez tous les effets. Tous les lecteurs de ce blog sont des gens qui vibrent en concert, peu importe l’artiste, et tous les lecteurs de ce blog connaissent la gifle absolument infecte qu’on se prend tous en pleine tête après chaque date. Eh bien, ça porte un nom un peu scientifique sur les bords : Post Gig Depression. Aka : je veux y retourner. Dans certains cas, ça vire même au je veux y retourner à tout prix.

Certains sont plus doués que d’autres pour s’en dépêtrer. Ne me posez pas la question, je suis lamentable à ce jeu-là. Je suis la pire des pleureuses, la grosse nostalgique de service qui n’arrive même pas à écouter *insérer nom de l’artiste ici* pour des jours, voir même des semaines sans finir dans un état à mi-chemin entre alerte inondation et chutes du Niagara. Avec Muse, ça a pu prendre des proportions épiques.

Hmoui, avec le nouveau aussi.

Le truc, c’est que ça s’explique scientifiquement assez vite et assez bien. Contrecoup de décharge hormonale massive, sensation de vide après avoir attendu la date pendant longtemps, retour à la « réalité » jamais bien glorieux, fatigue, retour d’émotions, sensation de solitude…Rien d’étonnant, finalement, et surtout, rien d’anormal ou d’inquiétant.

C’est quand même pas une partie de plaisir, et il faut un petit moment avant que la routine ne reprenne le dessus, et un moment souvent plus long encore avant de pouvoir évoquer le souvenir du moment M avec calme et seule nostalgie.

J’étais hyper heureuse, j’avais trouvé la formule avec Muse, je pensais être débarassée de cette saloperie pour de bon.

 

Et puis j’ai pris le Vauban dans la gueule.

 

Et c’est reparti pour un tour…

Le Vauban, il n’a pas fait plus de mal que cela, et pour cause, c’était le premier, et j’avais pris la décision de recommencer pendant le concert. En fait, au moment où je me suis retrouvée en larmes sur Le Regard, c’était plié. Je ne suis pas très très bonne pour aimer les gens de loin, j’aime les vraies émotions, et je les aime encore plus quand elles sont en live. Donc, pas de gros soucis, le seul hic que j’ai eu après le premier, c’est de détricoter le noeud de sentiments qu’il avait emmêlé avec une certaine dextérité et un talent évident. Et il s’était un peu lâché, l’animal.

Celle de Nantes a été une toute autre paire de manches. C’était la toute première date en tant que fan avec certificat et diplôme, la première loin de la maison, celle qui revenait à dire « toi, tu vas me faire tourner chèvre et je vais en redemander ». Et puis première rencontre. Disons que pour le coup, j’avais pratiquement récupéré deux fois ce que j’avais misé au Vauban. Même délire, la troisième n’a pas vraiment tardé, puisque la décision de bloquer Orléans dans un coin date du 2 Mars, et Nantes était le premier. Je peux même situer précisément sur une carte l’endroit où j’étais quand la décision a été prise une bonne fois pour toutes : Nantes Atlantis, en face du zénith, Paradis Du Fruit, troisième table en partant de la terrasse, quatrième rangée en partant du bout du restaurant. Devant un club sandwich au saumon. Et un smoothie pèche-mangue. Et le regard médusé de nos voisins de gauche qui n’en revenaient pas qu’un language pareil puisse sortir d’une fille.

Je ne suis pas du genre à tergiverser pendant des heures. On n’a qu’une vie, elle est super courte, et quand on a la chance de mettre la main sur un truc aussi jubilatoire, génial, puissant et fantastique que Bénabar, hors de question de lâcher l’affaire, même une seconde. Suis pas folle, hein. Devant les choses qui me font du bien, je ne vais pas tourner les talons avec dédain et prétendre que je m’en fiche. Celui-là, ça fait…Oh, bien dix ans que je le cherche. Et je vais encore me remettre à pleurer parce que, voilà, je ne suis qu’une grosse éponge à émotions et que si il continue à me chercher avec ses talents, je vais finir par être la première éponge de l’humanité à mourir noyée. Ca va faire une putain d’épitaphe. 

Le fait est que Nantes a été ma première PGD depuis tellement longtemps que j’avais perdu le mode d’emploi. Mais si, vous savez…Tiens, mon fond d’écran. Larmes. Itunes qui me connecte par erreur sur Belle Journée. Larmes. Interview radio du chanteur. Rires, puis larmes. Amie qui demande « alors, comment c’était Nantes ? ». Yeux qui brillent, déluge de compliments, puis larmes. Impression des photos de la rencontre. Laaaaaarmes. C’est à se demander si on n’en finit pas à l’état purement liquide. Perso, j’ai toujours la bouteille d’Evian à portée de main quand ça arrive, parce que je suis terrifiée à l’idée de finir sèche. Pas deshydratée, non non, sèche. Pleurer de la poudre de larmes. Et ne vous y trompez-pas, ce n’est pas un genre de délire maso, le retour d’émotions est minuscule à côté de ce qu’on reçoit pendant, mais il faut en passer par là, et pendant dix-douze jours, c’est violent. Mais il me semble qu’on n’est pas tous seuls à se prendre un coup de déprime bien senti dans la tronche une fois que c’est terminé…Et là, les mecs, JE NE VAIS PAS VOUS PLAINDRE. La faute à qui si on en est là, hmm ?

Donc, je résume : en fin de tournée, les fans sont malheureux, les artistes aussi. On tient un fond de commerce de dingue, là.

Bon gré mal gré, Nantes est passé. Orléans arrivait, et à un moment donné de l’histoire, le nombre de jours depuis le dernier est supérieur aux nombre de jours avant le prochain. Etat de grâce. C’est le moment où les choses s’inversent, et où tout ce qui piquait avant redevient cent pour cent jubilatoire. Etre fan, c’est presque de la maniaco-depression. On alterne les phases euphoriques et les phases depressives. Sauf que, contrairement à la bipolarité, l’équilibre entre les deux est à quelque chose comme 90%/10%.

Ce sont les 10% à payer pour bénéficier du bonheur des 90%.

Après Orléans, j’ai, ce qu’il convient d’appeler, pris cher. 

Tout me manquait. Absolument tout. Depuis des détails de décors-sérieusement, le rideau me manquait, si ça va pas chercher dans le délire pur, je ne sais pas ce que c’est-jusqu’à mes voisins de bloc. Et puis le chanteur, forcément, mais lui, à la limite, c’est normal qu’il me manque. Ah ça, pour piquer, ça pique. Genre grosse méduse d’été. Frelon. Nuée de chikungunya.

Après, on peut polémiquer des heures sur le phénomène. Bonjour, je suis tombée un chouilla en amour de l’artiste en février. Et il a entraîné dans son sillage tout un monde de chansons-bonheur. Alors, forcément, je suis tombée encore plus en amour de l’artiste en me rendant compte que c’est super facile de vouloir réduire Bénabar à pas grand chose, ce qu’on voit à la télé et les succès qui ont été joués à la radio jusqu’à ce que la bande ne s’auto-détruise d’elle-même, alors que derrière, c’est pas un monde à découvrir, mais une galaxie entière, que même la voie lactée elle fait petite joueuse à côté. Cinq mois plutôt intenses plus tard, j’en suis toujours à m’extasier d’à peu près tout.

Alors vous parlez qu’il me manque !

A force de dépeindre les « fans » comme étant un truc digne de rires pré-enregistrés des docu-fictions de TF1, à grand coup de gens qu’on présente comme décadrés de la société, on n’a finalement pas envie de se pencher sur ce que c’est vraiment qu’être attaché à un, ou plusieurs artistes. Et c’est beaucoup plus riche et plus vaste qu’un sujet « la passion de mon fils pour Lady Gaga ruine sa vie » dans confessions intimes. Peut-être, madame, que Lady Gaga, ton fils, elle le maintient en vie. C’est beaucoup plus complexe. Il y a une dimension tellement intime, une source quasiment inépuisable de force, de réconfort, de vie, et surtout, l’intégration dans une existence d’une donnée qui est constamment absente. Il en faut, de l’amour et de la dévotion pour continuer d’aimer super fort quelqu’un qui n’est jamais là…Sinon en concert, partagé avec cent, mille, dix mille personnes. Il faut une capacité d’amour qui dépasse l’entendement, et peut se contenter de très, très peu pour tenir une vie entière.

Et forcément, là où Bruno devient un genre d’immense exception, c’est qu’il joue tellement le jeu qu’on peut l’avoir un peu rien que pour nous. Ce n’est pas reservé à une forme d’élite, au contraire, et ça donne, pour une fois, l’impression de pouvoir jouer sur un terrain équitable. Et de pouvoir rendre, ou au moins essayer, ce qu’on reçoit.

J’étais pas habituée. Et ce n’est nullement une critique envers Muse, je sais que les choses ne sont pas comparables du tout, je ne leur en veux absolument pas. Après tout, ça m’est arrivé une fois.

Mais c’est certain que là, je me retrouve avec un système tout neuf et une façon d’envisager les choses complètement inédite.

Et puis vous êtes mimis, mais du haut de mes cinq mois, quand je me retrouve à côté de lui…Je suis à côté de Bénabar, les gens. Pas exactement la mère Michel. Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que j’implose tellement je suis impressionnée.

Alors vous parlez qu’il me manque…

Oui, Orléans m’a envoyée direct droit dans le mur sans passer par la case départ, sans toucher 20000 francs. Le pire, c’est que je reste dans la bulle le temps de faire mes compte-rendus, et je les fais presque sans respirer, de peur d’oublier quelque chose. Et, une fois publiés ici même, lààààààà, la sensation de vide, elle me prend en pleine tête. Généralement, je me relis trois ou quatre fois, pas par vanité, bien au contraire, mais pour être certaine que rien ne manque, que je ne me suis pas gardée une part ou deux de vérité. Tout est livré tel quel. Et puis, ça retombe, et je me sens vide, et je me sens perdue, et je me sens abandonnée, et il faut, vite, que je compense d’une façon ou d’une autre, simplement parce que je refuse tout net de m’engluer dans là-dedans. Non que les émotions soient gâchées, bien au contraire, mais plutôt parce que mon tempérament et mon existence même d’ancienne depressive me forcent à secouer les émotions négatives et à s’assurer que je ne reste pas plus d’un jour ou deux dans le passé.

Le remède, c’est toujours le même. Et si je connaissais très bien la section concerts de muse.mu, sur benabar.com je suis devenue experte en calcul de trajets et définitions de possibilités et manipulation des transports en commun, une véritable agence de voyages spécialisée. Je connais sûrement mieux son agenda festivals que lui, et je suis impossible à arrêter. Ma connaissance en géo française à fait des bonds spectaculaires, merci. Et la seule façon de vraiment faire cesser le bourdonnement dans ma tête, c’est d’en programmer un autre, et vite, et de me pavaner dans le stress systématique des organisations réglées comme du papier à musique et les angoisses du voyageur, mais surtout, chasser le moment où il va falloir faire du vol plané sans date butoire.

Et puis Compiègne.

La review, enfin, le presque-roman de ce que ça a été m’a pris un long moment, bien plus long que d’habitude, alors, ça a chassé loin le moment où les choses allaient me gifler. Et ça allait sûrement faire super mal parce que pour le coup, la prochaine…

Et pourtant, non. J’ai publié le compte-rendu vendredi soir. Samedi, rien. Dimanche, rien. C’est le moment traître où tu crois que tu vas t’en tirer sans perdre de plumes.

Ce soir, alors que j’étais en train d’écrire sur ma joie de retrouver Muse dans neuf jours, Jess m’a montré une photo qu’elle venait de trouver au hasard de ses errances sur le net. Elle lui trouvait une force spéciale. Bien sûr que c’était une photo du faiseur de merveilles. Mais pas une photo promo, enfin, pas au sens où on l’entend d’habitude. Non, là, pour le coup, je ne sais même pas si il était conscient d’avoir été photographié. Il était je ne sais où, à taper sur un macbook, une expression sérieuse et inhabituellement concentrée sur son (si joli) visage.

Sommes toutes, pas de quoi fouetter un chat. Enfin, pour un esprit normal, rien de notable.

Bien sûr.

Sans que je ne puisse expliquer pourquoi, mes yeux se sont chargés de larmes, et tout a explosé en une bonne demi-heure de déluge. A verse. A torrent.* 

Je n’ai même pas eu le temps de comprendre ce qui se passait, ça tenait presque du reflexe, et une fois que j’étais lancée, bien sûr, impossible de m’arrêter. Et ça m’a fait me sentir terriblement, atrocement coupable, parce que j’ai l’impression de voler à Muse du temps qui leur revenait, parce qu’ils se battent comme des lions pour faire du très haut Muse, et je ne devrais pas me concentrer sur autre chose. Neuf jours, bordel de merde, ça fait cinq foutues années que je n’ai pas vu mes anglais.

Mais non. Echec lamentable.

Et je suis heureuse de les revoir, j’en suis plus qu’heureuse, je suis aux anges, mais c’est la première fois que je dois envisager un concert où ils ne sont plus, plus du tout, le truc qui me fait le plus halluciner sur terre. Si le choix m’était donné…Ce ne serait pas un choix, mais une foutue évidence. J’écoute Drones en boucle, c’est vous donner une idée de la gueule du paradoxe.

 

Quand je dis que pour être fan de deux artistes complètement opposés, il faut être totalement barge…Je ne dis pas que des conneries.

 

 

*en Bénabar dans le texte. 

 

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2 commentaires pour Une histoire de vols planés et de tartes aux murs.

  1. Jess dit :

    Lire les reviews d’Axy. Laaaaarmes.

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